Le Palais de l’Archevêché expose la première rétrospective européenne de MASAHISA FUKASE , photographe japonais présenté comme l’un des plus influents, et surnommé « l’incurable égoïste ».
Il est mort en 2012 après être resté pendant vingt ans dans le coma à la suite d’un accident. Son travail sur les corbeaux en 1986 décrivait la solitude qu’il a ressentie après son divorce. L’exposition révèle le travail d’introspection qu’il a mené toute sa vie à travers des autoportraits transpercés de punaises, des mises en scènes de sa famille en studio, en s’immergeant un mois dans une baignoire ou en photographiant son chat Sasuke comme un double de lui-même.
Le magnifique Cloître St Trophime accueille deux photographes :
- Dune VARELA , jeune photographe française, dit « Ce qui a traversé mes recherches, c’est la pensée de la disparition… ». Elle effectue un travail sur des supports différents, du verre, de la céramique ou du plâtre, mais elle les détruit partiellement à la chevrotine. Le résultat nous a un peu laissés perplexes (!).
- Nous avons plus apprécié le travail de Niels ACKERMANN et Sébastien GOBERT, « Looking for Lénine », sur les statues déboulonnées de Lénine. Véritable témoignage sur la « décommunisation » en Ukraine, avec des photos souvent pleines d’humour, accompagnées des confidences de certains habitants, parfois nostalgiques ou désemparés.
IRAN ANNEE 38
L’Eglise Sainte Anne, rassemble 66 photographes Iraniens, dont les photographies retracent 38 ans de Révolution islamique. 66 visions différentes, poétiques, documentaires, intimes, qui témoignent de cette époque, alors que les photographes occidentaux ne pouvaient pas rester en Iran. Abbas Kowsari a pris des clichés poignants d’Iraniens revenus sur des zones de combat où des proches avaient perdu la vie (« L’ombre de la terre »). Gohar Dashti met en scène des couples dans des voitures détruites. Cette exposition est l’une des plus émouvantes de la journée.
PULSIONS URBAINES, à l’Espace Van Gogh explore l’identité conflictuelle latino-américaine de 1960 à 2016, à travers 350 photographies.
Dans le cadre de l’année France-Colombie organisée par l’Institut Français, les Rencontres réalisent avec «LA VUELTA » un état des lieux de la violence endémique qui mine la Colombie depuis une soixante d’années. 28 photographes et artistes Colombiens rendent compte des mutations culturelles, sociales et politiques en Colombie.
EARLY WORKS de Joël MEYEROWITZ réunit des photos en noir et blanc et en couleur, très vintage, du maître de la photo de rue.
L’église des frères prêcheurs, offre un cadre magnifique aux très grands tirages de MICHAEL WOLF « La vie dans les villes ». Les immenses immeubles de Hong Kong ne montrent aucun être humain, seulement du linge qui sèche à certaines fenêtres, c’est la vision d’un environnement hostile . Ces clichés côtoient ceux des bâtiments de bureaux à Chicago, dont la transparence a intéressé le photographe. A travers les fenêtres éclairées, l’absence de rideaux permet de voir les gens au travail. Des vignettes représentent les portraits pixellisés de ces travailleurs dans des postures qui expriment un certain désespoir. Plus poétique est la série sur les toits de Paris, avec ses nombreuses petites cheminées.
Mathieu PERNOT a été quasiment adopté par la famille Gorgan, des roms installés à Arles, qu’il a photographiés pendant 20 ans. Cette famille a accordé une très grande confiance au photographe, qui a immortalisé les moments les plus intimes et retracé la vie de chacun. L’exposition présente aussi des photos faites par la famille elle-même, ainsi que des vidéos.
A la maison des peintres, Christophe RIHET expose dans « Road to death » les photos souvent très esthétiques de lieux où des personnalités ont perdu la vie dans des accidents de la route. Un témoignage très particulier, à travers le monde, de la France aux USA.
Au Parc des Ateliers, tout prêt du LUMA, de nombreuses exposition sont réunies, dont celle très émouvante sur les habitants des villages proches de Fukushima, revenus poser dans leur maison ou leur lieu de travail, ou la vie ne pourra plus reprendre normalement. Des sites marqués par l’abandon précipité en 2011, où la végétation et les animaux reprennent l’espace.
Et nous avons terminé par l’exposition de Annie LEIBOVITZ qui couvre la période de 1967 à 1984.
La photographe américaine (née en 1949) s’est faite connaître dans le monde entier pour sa proximité avec les stars qu’elle met en scène comme s’ils étaient ses jouets. Ce sont ses photos de jeunesse, ses premiers reportages pour le magazine « Rolling Stone » notamment. Les murs sont couverts de miliers de clichés en noir et blanc, parfois un peu défraîchis ou carrément punaisés par paquets.
Cette présentation peut désarçonner parce que le foisonnement et la hauteur des murs ne permettent pas de s’atarder longtemps devant chaque photo, mais rapidement, on mesure la richesse de cette époque : la fin de la beat generation, du mouvement cool, de la contre-culture peace and love, avec l’apparition des Mick Jagger, Bob Dylan, Joan Baez ou Patti Smith. Au début des années 1980, ils deviennent des idoles, des représentants d’une société de consommation avide de spectacles qu’il faut mettre en scène dans les pages des magazines. Annie Leibovitz raconte ce basculement d’époque en images, pratiquement sans légende : une performance remarquable.
Sylvester Stallone dans la posture du « Penseur » de Rodin, John Lennon nu recroquevillé en foetus contre Yoko Ono, Whoopi Goldberg dans une baignoire de lait, ou le chanteur Sting couvert de boue… et même les hommes politiques américains comme Richard Nixon que la photographe a pu approcher au moment du Watergate et de la démission du Président. Un mur entier retrace ces 17 ans au travers des principaux évènements, ce qui donne un peu le vertige.
Une seule journée ne permet pas de voir toutes les expositions, mais chacun a pu apprécier, une fois de plus, une programmation intéressante grâce à sa très grande variété.
Avis aux amateurs qui seraient tentés de faire un petit tour à Arles, certaines expositions ne sont pas visibles jusqu’au 24 septembre.
Rédactrice:
Sylvie Navarro